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Pôle Nord Editions en 11 livres

Dernière mise à jour : 17 oct. 2020

Avant Gilles Guillon Editeur, il y a eu Pôle Nord Editions. De 2013 à 2018, PNE a connu une courte mais riche existence de cinq années au cours desquelles une trentaine de livres ont été publiés. La moitié était les romans historiques des collections 14/18 et Belle Epoque. L’autre partie concernait essentiellement des ouvrages de régionalisme. Retour sur onze de ces livres, avec quelques beaux succès mais aussi des échecs cuisants (sinon ça ne serait pas drôle) !

 

1. Des OVNIS sur le Nord : toujours surprendre. Pôle Nord est à peine sur les rails que Dominique Loison, que je connais de l’époque où il s’occupait de l’édition lilloise du Petit Futé, vient me proposer des idées de bouquins. D’une curiosité éclectique, Dominique s’intéresse à tout, mais ce jour-là aucun de ses projets ne m’interpelle vraiment, jusqu’au moment où il évoque la série d’émissions de radio sur laquelle il travaille : des apparitions extra-terrestres bien de chez nous. Il m’apprend que le nord de la France est la région où l’on recense le plus grand nombre de signalements. Intrigué, je lui suggère d’en faire un livre. Il sélectionne les vingt histoires les plus étonnantes ou saugrenues pour en faire cet E.T. chez les Chtis, à la superbe couverture illustrée par Benjamin Berdeaux. Paru en novembre 2013, le livre connait son petit succès, notamment auprès des ados, alors que leurs parents ne comprennent pas qu’on puisse faire un bouquin sur des « âneries » pareilles ! J’y fais la connaissance de plusieurs ufologues, qui loin de croire aux martiens n’en sont pas moins intrigués par tous ces phénomènes inexpliqués. Trouvant que l’idée est bonne, deux autres éditeurs nordistes la reprendront pour publier des bouquins fourre-tout qui n’arrivent pas à la cheville de celui de Dominique Loison.


2. Le mystère du peintre lillois : la première gamelle. C’est en se trompant qu’on apprend, dit-on. Le jour où j’ai accepté la proposition de faire du manga nordiste, j’ai énormément appris. Sur le papier, ça avait l’air sympa : une BD régionale sous forme de manga. Soyons fous ! Ca n’existe pas, on va donc innover. Au cours d’un salon, mon associé me présente une jeune dessinatrice qui, bien que sceptique, est prête à relever le défi. Avec son look japonisant, Shade.s.Maestus (un pseudo) connait les codes du manga ; elle nous écrit un scénario en plusieurs volumes, l’histoire de Sebastian Dumont et le mystère du peintre lillois. Le tome 1 parait au printemps 2014. Le résultat, une BD au format poche, a l’air sympa, mais personne n’en veut. Du manga nordiste, quelle hérésie ! Les librairies spécialisées ne veulent pas en entendre parler, les connaisseurs non plus. Seules quelques librairies généralistes, trouvant l’idée originale, prennent le livre au rayon Régionalisme. Au bout de quelques mois, le verdict est sans appel. C’est un flop magistral ! Les numéros 2 et 3 ne verront jamais le jour. A ma connaissance, personne d’autre n’a essayé de nous piquer l'idée. Petits joueurs, va !


3. DSK chez les Chtis : tout est dans le titre. Didier Specq, ancien journaliste à Nord Eclair a longtemps traîné ses guêtres au Tribunal de Lille, où il a côtoyé truands, policiers, juges et avocats. En tant que chroniqueur judiciaire, il a traité les grands scandales politico-économiques lillois. Quand éclate l’Affaire du Carlton à laquelle est mêlé Dominique Strauss-Kahn, il est proche de la retraite mais se passionne pour cette histoire hors-normes de partouzeurs où DSK potentiel candidat à la présidentielle croise le proxénète Dodo la Saumure, des hommes d’affaires et des prostituées. Le livre doté d’un titre accrocheur en forme de clin d’œil paraît en octobre 2014 après plusieurs relectures par des juristes dont l’avocate Blandine Lejeune qui nous fait faire une série de coupes pour ne pas risquer des poursuites à notre tour. Six mois plus tard, toute l’affaire est déballée au grand jour à l’occasion du procès qui a lieu au tribunal de Lille. Mais la montagne accouche d’une souris et du jour au lendemain le livre de Didier Specq n’intéresse plus personne après avoir passé quelques mois dans les meilleures ventes. C’est con, je venais juste de commander à l'imprimeur une réédition superflue. Au même moment, l’ancien policier lillois Joël Specque publie ses mémoires. Pendant des mois, les organisateurs de salons du livre nordistes le confondront avec son homonyme, invitant l’un en pensant accueillir l’autre !


4. Tout le monde m’appelle Tony : pour les pros du foot. J’avoue que je n'avais jamais entendu parler d'Antoine Gianquinto avant d’éditer ce petit livre de souvenirs. Tony est un ancien joueur de foot qui a effectué la totalité de sa carrière professionnelle dans les rangs lillois dans les années 1970. Joueur du LOSC, puis entraîneur de plusieurs équipes de la région, dénicheur de talents et de partenaires, Tony fait partie du monde du football nordiste. Mon associé, qui est un supporter du LOSC, le convainc de raconter ses souvenirs sous forme d’anecdotes, avec l’aide d’un journaliste. Tony est un homme charmant et passionnant, il se prend au jeu et nous ouvre ses archives. En février 2015, le livre parait avec une bonne couverture presse, mais nous nous rendons vite compte que les souvenirs de footballeurs n’intéressent pas grand monde, les Echos du Pas-de-Calais qui viennent de publier les mémoires du Lensois Patrice Bergues font le même constat. Des années plus tard, les souvenirs de Tony se vendent toujours un peu, mais c’est Tony lui-même qui les vend à son réseau.


5. Pires que les élèves : best-seller et notoriété. Le plus beau coup d’édition de PNE ! Un jour le patron de l’imprimerie Sobook me demande de recevoir un auteur un peu collant qui a besoin de conseils pour faire éditer le livre qu’il a écrit. Je sens bien qu'il essaie de s'en débarrasser, mais j'accepte de rencontrer

« l’emmerdeur » et je fais la connaissance d’un jeune gars athlétique complètement speedé passionné par son sujet. Il est prof d'anglais en collège et n’en peut plus de l’incompétence et du sans-gêne de certains de ses confrères. Il en a fait un pamphlet, un vrai pavé où il raconte des situations dont il a été témoin ou qui lui ont été rapportées. Il a déjà démarché la plupart des éditeurs nordistes, mais personne n’en veut de peur d’avoir un procès. Son histoire m’intrigue, je dévore son manuscrit. Le thème sous-jacent c’est

« Travailler avec des cons », ça pourrait se passer dans n’importe quelle entreprise. C’est jubilatoire ! Ca me fait beaucoup rire, mais Stéphane me fait comprendre que c’est un sujet sérieux et qu’il n’est pas là pour rigoler. Ok, compris. Je lui fais retravailler son texte. On élague, on change tout, les noms, les lieux, on supprime, on fusionne des personnages redondants, personne ne doit pouvoir reconnaître qui que ce soit… Après plusieurs versions, le bouquin est enfin prêt. A sa sortie en mars 2015, c’est une déferlante. Sa réputation l’a précédé. Sans même l’avoir lu, des dizaines d’enseignants crient au scandale. Cela attire l'attention de la presse. Stéphane Furina est interviewé par Le Figaro, Le Parisien, La Voix du Nord, France Bleu, RMC… Il est invité sur Canal+, France 2, France 3, BFM... Les commandes affluent par centaines de toute la France. Il faut procéder à un 2e, puis un 3e et un 4e retirage. En quelques semaines, Pires que les élèves devient un phénomène médiatique. Les parents d’élèves et leurs enfants adorent, les profs détestent. L’auteur devient la cible de ses chers collègues qui multiplient les incidents et les menaces, et portent plainte en diffamation. Le rectorat finit par le muter à l’autre bout de la région pour calmer le jeu. La polémique fait vendre. Dans les salons du livre, les collégiens et les mères de famille se prennent en photo avec l’auteur et l’encouragent. Il a un vrai fan-club, ce qui énerve encore plus ses détracteurs. 4500 exemplaires de PQLE seront écoulés en l’espace d’un an. C’est mon best-seller. Devant un tel succès national, ma petite maison d’édition régionale sans le sou est dépassée. J’oriente Stéphane Furina vers plusieurs confrères parisiens avec son second manuscrit, mais mal conseillé il ne m’écoute pas et décide de s’auto-éditer. Le voilà replongé dans l’anonymat. Dommage, il avait trouvé un filon porteur.


6. Jours de collège : tué à la naissance. Il ne suffit pas d’éditer des livres, il faut aussi les vendre. Jours de collège est une idée originale. Responsable de CDI dans un collège d’Arras, Christophe Grès note les saynètes saugrenues et histoires navrantes dont il est témoin à longueur de journées. Il en a fait un blog, pourquoi pas en tirer un livre ? Le dessinateur Eric Lesage est chargé d’illustrer ces drôles de scènes de la vie des collégiens avec des croquis humoristiques. Le livre est prêt pour la rentrée 2015. Et puis rien… A la mi-septembre, nous nous étonnons de ne pas le trouver en librairies. Fin septembre, toujours rien. Les libraires ne l’ont pas et n’en ont jamais entendu parler. A force d’insister auprès du distributeur, l’explication tombe. Sobook Diffusion, en pleine désorganisation depuis des mois, a oublié d’inscrire ce titre à son catalogue. Les cartons de bouquins sont bien arrivés à Roubaix en plein mois d’août, mais personne ne les a ouverts ! Jours de collège finira par trouver le chemin des librairies, mais cette sortie foirée est la goutte d’eau qui fait déborder le vase déjà bien plein de Sobook Diffusion ; nous cessons toute collaboration avec ce distributeur calamiteux qui finira par entraîner dans sa chute plusieurs autres petits éditeurs.


7. José Barbara : salut champion. Dans les années 1980, quand j’étais journaliste à FR3 (on ne disait pas encore France 3), je suivais le sport automobile. A l’époque, les rallyes nordistes étaient dominés par un pilote emblématique, un garagiste d’Aire-sur-la-Lys, dont la Porsche 911 aux couleurs des supermarchés Cedico gagnait toutes les courses. A force de retracer ses victoires à la télé, José Barbara m’a proposé de monter à ses côtés. Nous avons fait trois rallyes ensemble et en avons gagné deux. Cette expérience a créé des liens et quand José a voulu raconter sa vie, c’est à moi qu’il s’est adressé. Ce fut un travail de longue haleine, maintes fois reporté et étalé dans le temps. Il y avait des kilos d’archives à dépouiller, et José jeune septuagénaire ne se souvenait pas toujours de ce qu’il avait fait quand il avait vingt ans. Il en fallut des relectures et des vérifications pour arriver à la version finale. José Barbara, 50 ans de compétition fut le premier « beau livre » de photos à couverture reliée cartonnée, publié par Pôle Nord. Le premier tirage de 1000 exemplaires s’écoula en moins de trois mois, grâce à José et son épouse Chantal qui s'improvisèrent sérial dédicaceurs (Chantal écrivait un petit mot, José signait). Début 2016, il fallut procéder à une réédition urgente pour faire face à la demande. En janvier 2017, le décès soudain de José Barbara à l’âge de 72 ans donna une dimension supplémentaire au seul livre jamais consacré à ce pilote d’exception.


8. Bienvenue à l’baraque : beau projet mais mauvais choix technique. Jean-Christophe Van Waes est un photographe lillois installé dans les Alpes. Il veut faire un livre de photos sur les baraques à frites. Le sujet m’intéresse, nous décidons de bosser ensemble et de traiter le thème avec humour dans l’esprit de Bienvenue chez les Chtis. Dany Boon sera pressenti pour écrire la préface de cet Ode à la frite, avant de laisser la place à son copain Jean Réveillon. Dans chaque projet, il y a toujours une part d’imprévu qui peut tout chambouler. Mon associé qui travaille chez un fabricant de matériel d’impression numérique a trouvé un deal avec un imprimeur qui vient d’acquérir une nouvelle machine. Il nous fera un super prix et le livre servira à promouvoir cette technique d’impression innovante. Mais il y a des contraintes : il faut réduire le format, adapter la pagination, modifier la couverture… Quand je récupère les premiers exemplaires à l’imprimerie, je fais la grimace. Le résultat est décevant, le prix de vente n’est plus en adéquation avec le produit fini. Nous venons de fabriquer un bouquin à 10 € qui sera vendu 15 €. Les libraires ont la même réaction que moi. Le thème attire les lecteurs, mais ils reposent le livre en voyant le prix. Bienvenue à l’baraque connaîtra un succès d’estime, avant d’être soldé. Dommage, le travail de JCVW était beaucoup moins futile qu’il n’en avait l’air.


9. Sauve qui peut la Région : le mauvais timing. La fiction politique est un genre éminemment casse-gueule avec une durée de vie très courte. En 2015, le grand sujet d’actualité est la fusion des régions prévue pour la fin d’année. A partir de 2016, le Nord-Pas de Calais et la Picardie disparaîtront pour laisser la place aux Hauts-de-France. C’est un peu le mariage de la carpe et du lapin, car ces deux régions politiquement opposées (Picardie à droite, NPdC à gauche) s’ignorent depuis des décennies. Vice-présidente du Nord-PdC à l’environnement, l’élue écologiste Myriam Cau a des velléités d’écriture. Elle aimerait raconter une fusion Nord-Picardie qui tourne mal. Espionnage, coups bas et sabotages, sont au menu de cette intrigue qui se déroule entre Lille et Amiens. Ce roman de politique-fiction arrive en pleine campagne électorale, le moment semble-t-il idéal pour faire le buzz, et… il passe inaperçu, sauf chez les Verts. Les amis de l’auteure seront les seuls à s'y intéresser. Les autres, presse comprise, l’ignoreront totalement, alors que le temps presse. Il n'y a quasiment pas de retombées, pas un seul article, ce qui pour un ouvrage d’actualité est rédhibitoire. Le scrutin a lieu, les régions fusionnent, le lendemain le livre est déjà périmé. Seulement quelques centaines d’exemplaires ont été mis en vente et ont trouvé preneur. Le reste a été soldé. Une bonne leçon, promis je ne le referai plus !


10. P’tit Capitaine : une belle rencontre ! Un jour à Esquelbecq un bouquiniste me présente un de ses amis dunkerquois qui a écrit un livre et cherche un éditeur. Sans trop y croire, j’attaque la lecture du manuscrit et découvre l’histoire émouvante d’un gamin de 12 ans qui embarque sur un bateau pour sa première campagne de pêche à la morue au large de l’Islande en 1888. Ce récit romancé est celui de la vie de l’arrière-grand-père d’Eric Carru. Placier sur les marchés de Dunkerque, Eric n’a pas la prétention d’être un écrivain et pourtant son livre vaut largement certains manuscrits qu’on me soumet d’habitude. Quand je l’appelle pour lui dire que son histoire est passionnante et que je veux l’éditer, il croit à une blague ou à une erreur (ce jour-là je parie qu’il a mis en doute les compétences de cet éditeur inconscient), mais non c’est bien vrai, son livre va être publié. C’est le début d’une belle aventure. La presse locale dresse le portrait de cet auteur autodidacte, aussi atypique qu’attachant. Sa première séance de dédicaces en décembre 2015 attire les foules, il passe à la télé, les écoles lui demandent de venir raconter la vie des pêcheurs dunkerquois d’autrefois, les enfants le reconnaissent dans la rue et l’appellent Professeur… Que du bonheur ! P’tit Capitaine a changé le regard des autres sur le travail d’Eric Carru et m’a apporté un véritable ami.


11. Armentières 1914-1918 : best-seller à Armentières. « Tu devrais rencontrer Hans, il veut faire un livre. » Cette phrase, plusieurs amis armentiérois me l’ont dite à la même période. Je ne connaissais pas le dénommé Hans, qui semblait pourtant être une figure locale. Nous finissons par nous rencontrer, ce jeune ancien combattant (il était infirmier militaire) me raconte son projet : retracer l’histoire de la ville pendant la Première Guerre mondiale. Armentières est sur la ligne de front, les usines textiles tournent à plein régime malgré les bombes et les gaz asphyxiants, on y croise le futur Louis-Ferdinand Céline et le non moins futur Winston Churchill, alors que l’ombre du futur caporal Hitler rode dans les parages. Hans Landler est incollable sur le sujet et, rêve de tout éditeur, il possède tellement d’archives photos qu’il n’y a pas besoin de lancer de fastidieuses et coûteuses recherches iconographiques. Très attendu, le livre est en grande partie financé par une souscription et des partenaires locaux. A sa sortie, les Armentiérois se l’arrachent comme des petits pains. C’est de très loin la meilleure vente de l’année 2017 à la librairie Majuscule d'Armentières. Malgré ce succès, Armentières 1914-1918 sera le dernier livre publié par Pôle Nord Editions et le bénéfice des ventes ira directement dans les poches du liquidateur. Ce qui n’empêche pas Hans Landler de préparer une suite : Armentières en 39-45 !

 

Pour tout renseignement sur les ouvrages cités, cliquez sur la couverture du livre concerné.

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