Histoire d'une collection : 14/18
Dans mon catalogue actuel, 14/18 est la plus ancienne série en cours. Elle a démarré en 2013, mais on en parlait déjà en 2011. La genèse de cette collection de romans historiques autour de la Première Guerre mondiale fut pour le moins chaotique. Avec le recul, ça valait le coup d’insister.
L’idée de la collection 14/18[1] a été évoquée pour la première fois lors d’une discussion entre écrivains un samedi matin au marché hebdomadaire de Rue, près du Crotoy. Avec Léo Lapointe, Jean-Christophe Macquet, Pierre Saha, Patrick-S. Vast et Claude Vasseur, tous auteurs de la collection Polars en Nord, nous étions installés en plein air devant la Maison de la presse de notre ami José en train de dédicacer des romans policiers. On était au printemps 2011 et la Picardie commençait à préparer les célébrations à venir du Centenaire de la Première Guerre mondiale. Un Comité du Centenaire venait d’être mis en place par l’Etat pour fédérer toutes les initiatives en rapport avec l’événement et programmer une série de manifestations sur les anciens champs de bataille entre 2014 et 2018.
L’un d’entre nous suggéra d’écrire des polars historiques consacrés à la guerre 14-18. Connaissant les romans de Patrick Pécherot et de Thierry Bourcy, j’approuvai. L’idée d’une collection thématique sur un tel sujet d’actualité méritait d’être creusée. La proposition fut soumise à mon employeur d’alors, les éditions Ravet-Anceau[2], mais il n’était pas intéressé. Ayant prévu de quitter l’entreprise à la fin de l’année pour aller faire le tour du monde, je n’insistai pas et conseillai à Léo Lapointe et ses amis de démarcher d’autres éditeurs nordistes, plus sensibles à l’actualité à venir[3].
L’histoire aurait pu en rester là et la collection 14/18 n’être qu’un projet mort-né parmi d’autres, mais quand j’ai créé Pôle Nord Editions début 2013, l’idée est revenue sur le tapis. Léo Lapointe qui n’avait pas trouvé preneur n’a pas eu de mal à me convaincre de reprendre nos réflexions là où elles en étaient restées.
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Le Comité du Centenaire 14-18 ayant lancé un appel à projets, nous nous sommes mis au travail pour ajouter un volet pédagogique et vulgarisateur aux polars historiques que nous envisagions d’éditer. Léo Lapointe fut nommé d’office directeur de la collection à venir, les auteurs concernés se remirent au travail et se plongèrent dans les archives de 1914 et après.
Il leur fallait imaginer une fiction tout en respectant la vérité historique. L’intrigue, policière ou d’aventures, serait centrée sur un épisode de la Première Guerre mondiale, avant, pendant ou après les combats. A la fin de chaque roman, une série d’annexes rédigées par des historiens viendrait replacer les textes et les personnages dans le contexte de l’époque, une collaboration était envisagée avec l’Education Nationale pour que les auteurs aillent parler de leur travail aux élèves des écoles, il y avait également une série de rencontres dans les médiathèques de la région, un site internet dédié… Bref, ce n’étaient pas les idées qui manquaient.
Pleins d’optimisme, nous avons consciencieusement rempli notre dossier pour le transmettre aux bureaux lillois et amiénois du fameux Comité du Centenaire qui allait à n’en point douter nous délivrer le fameux Label 14-18 ainsi que les quelques subventions nécessaires au démarrage de notre projet.
Hélas, après plusieurs semaines d’attente, nous avons reçu de la part de l’antenne nordiste du Comité, une réponse qui nous a laissés perplexes : « Faute d’éléments suffisants, nous n’avons pu vous attribuer le Label 14-18. » Que manquait-il pour que notre dossier soit validé ? Nous ne le saurons pas. Malgré plusieurs relances, nous n’avons jamais pu avoir d’infos sur ces mystérieux éléments manquants. Avec quelques mois de retard, la réponse que nous a transmise le comité pour la Picardie nous a fait éclater de rire autant que celle de son homologue nordiste nous avait intrigués : « Le comité ne peut vous attribuer le Label car il n’a pas étudié votre dossier. » Cette fois, l’odeur de foutage de gueule que nous avions cru détecter dès le premier contact était flagrante. Le fameux comité officiel composé d’historiens, d’élus et de personnalités, était là avant tout pour mettre en avant et financer ses propres projets et n’en avait rien à faire de ceux des autres.
Abattus, mais pas vaincus, nous avons décidé de revoir notre dossier à la baisse et de nous concentrer sur les romans. Pierre Saha, Patrick-S. Vast, Jean-Christophe Macquet et Léo Lapointe avaient bien avancé dans l’écriture de leurs manuscrits respectifs. Autant aller jusqu’au bout et publier leur travail.
Contacté, le dessinateur lillois Frédéric Logez qui venait de réaliser un superbe album de BD consacré à la bataille d’Arras (Editions Degeorge) accepta d’illustrer les couvertures des futurs romans.
Le premier manuscrit terminé et validé a été celui de Pierre Saha, Les Rois de rien, un pavé de 467 pages, consacré à la réinsertion des anciens poilus dans l’Oise de l’immédiat après-guerre. Le héros de cette histoire est un jeune avocat picard qui a combattu sur le front en tant qu’officier et a vu mourir ses amis. Un meurtre commis par un ancien soldat ayant servi sous ses ordres va le replonger dans l’enfer des tranchées.
Les deuxième et troisième ouvrages de la série sont dans un registre plus léger, plus proches du roman d’aventures avec de multiples rebondissements. Le Ruisseau rouge, de Patrick-S. Vast, emmène le lecteur sur le front à la limite du Nord et du Pas-de-Calais en avril 1918 au moment de la Bataille de la Lys ; Dans l’œil du cyclope, de Jean-Christophe Macquet, se déroule à l’arrière du front, au Touquet-Paris Plage où les soldats britanniques du camp d’Etaples vont se révolter en septembre 1917, un épisode méconnu pendant lequel cette petite ville de pêcheurs fut aux mains des mutins.
Inaugurant la collection, Les Rois de rien sortit en librairies en novembre 2013. Il n’y avait pas pléthore d’ouvrages consacrés à la Première Guerre mondiale, mais quelques mois plus tard les rayons des librairies furent inondés de livres en tout genre destinés à célébrer les 100 ans du premier conflit mondial. Un véritable raz-de-marée qui aurait pu nous emporter corps et biens, si des lecteurs passionnés et tenaces ne s’étaient mis à réclamer aux libraires la suite de la série. Heureusement que ces mordus de 14/18 qui guettaient la parution des romans suivants étaient là, car il n’est pas sûr que nous aurions continué sans eux. L’impressionnante vague de livres parus dans le cadre du Centenaire fut un tel flop que les librairies renvoyèrent tout ce qu’elles avaient en stock au bout de quelques mois. Passée la tempête, Pôle Nord Editions poursuivit son rythme de parutions initial et les polars 14/18 retrouvèrent leur place en rayon.
A l’origine, la collection se limitait à huit romans. A raison de deux nouveautés par an, elle devait couvrir les quatre années des commémorations de la Grande Guerre et s’arrêter après la parution du huitième tome de la série[4] fin 2018. Entre temps, nous avions découvert sur Internet via les ventes en ligne que notre petite collection régionale touchait des passionnés de la France entière. Grâce à ce noyau de fidèles qui encourageaient les auteurs à se remettre au travail et à produire de nouvelles intrigues, il fut décidé de continuer et d’accélérer la cadence.
Fin 2015, les six premiers titres étaient déjà entre les mains des lecteurs. Léo Lapointe, Philippe Waret, Lou Desmalines et Philippe Valcq publièrent chacun un second roman, en attendant un troisième… L’écrivain marseillais Fabien Fallon rejoignit l’équipe avec un récit âpre et violent, qui se déroulait dans les Vosges. Par le sang et l’acier fut le premier titre de la série à ne pas être nordiste ou picard.
Même si Pôle Nord Editions n’existe plus, la collection lui a survécu sous une nouvelle livrée et avec un nouvel éditeur. Certains titres ont été réédités, comme Le Planqué des huttes dont la seconde édition est parue en janvier 2020. En septembre de cette même année, Soldats sans mémoire, de Philippe Waret, sera le 15e volume d’une série qui ne devait en compter que 8.
[1] Dès le début, j’ai remplacé le tiret de 14-18 par un slash en hommage aux Editions 10/18 dont je suis un fidèle lecteur de la collection de polars historiques Grands Détectives. [2] Le plus ancien éditeur nordiste, chez qui j’avais créé la collection Polars en Nord. [3] En 2013, Ravet-Anceau a changé d’avis et a lancé un appel à manuscrits sur le thème de 14-18. Seulement cinq romans furent publiés. Nous avons récupéré au moins deux manuscrits qui leur avaient été proposés : Les Heures sombres et Le Journal d’Emile. [4] A cette période, plusieurs manuscrits furent refusés sans être lus car le programme de parutions était clos. C’est le cas des Enfants de Gayant d’Emmanuel Prost, qui fut finalement publié aux éditions De Borée et dont le succès lança la carrière de ce jeune écrivain nordiste.
Bonsoir, merci pour l'histoire de cette série de 14-18 que "je suis fan encore " ....si si ;) de très bonne histoire, des sujets méconnus comme " Dans l'oeil du cyclope de Jean-Christophe " de toute manières cette série est magnifique, il fallait y penser à l'époque pour ce fameux centenaire 14-18. Quand je voyais Gilles et sa bande chez José à RUE le samedi matin, je me disais pourvu qu'une nouvelle histoire est sortie de cette série et combien de fois j'ai ennuyé José " alors il sort quand le nouveau 14-18 ...!!! et quand un nouveau livre était devant mes yeux sur le rayon qui va bien j'étais tous fou comme un gosse avec un sac de billes…